J'avoue que sorties du contexte hivernal roboratif, la tartiflette et la croziflette ne sont pas ma religion. Prenons donc la tangente. Traversons dare-dare le vieil Annecy pour filer en direction de la gare TGV.
Première étape, l’Esquisse de Stéphane Dattrino, un costaud qui assure tout seul en cuisine en se repassant les vieux tubes de Johnny, du temps de temps de sa splendeur bien sûr. Quand c’est moi qui dis non/quand c’est toi qui dis oui. Tout un programme !
L’endroit ne paie pas de mine. Une dizaine de tables à tout casser. Pas de décor signé Starck, Garcia ou India Madhavi. On a beau être à la rue Royale, on n’est pas à Paris. La carte est courte, astucieuse. De quoi réveiller quelques déjeuneurs engourdis de chaleur. C’est bon. C'est plein de sucs, parfaitement en place. Mieux qu’une esquisse. Allez un plat, juste pour titiller votre envie ? Non deux !
Aubergines confites, oeufs pochés, anchois, piquillos
Araignée de mer, ail des ours, citron, vinaigrette de carapace
Et avec ça, on se goûte quoi ? Une roussette de Savoie, Marestel 2010 de Raymond Barlet, ça vous tente ? Pas mal. Pas mal. Mais on fera mieux tout à l’heure.
L’adresse : L’Esquisse, Rue Royale 21, Annecy. T. 04.50.44.80.59
On prend un peu de hauteur et on grimpe en direction d’Annecy-le-Vieux pour l’étape suivante. Au bien-nommé Clos des Sens de Laurent Petit dont Stéphane Dattrino fut le second durant plusieurs années. Un lieu empli de bonnes vibrations avec, au soir, une vue sur Annecy qu’on pourrait qualifier de belle, à condition de regarder très loin. Direction le lac et le Semnoz.
La terrasse sous les platanes est un véritable hâvre : avec une Cuvée Raiponmpou 2011 du virtuose Adrien Berlioz (ses vins seront bientôt disponibles au CAVE), on peut voir venir le bonheur de loin.
Le menu « Jardin suspendu » est une promesse qui porte un joli nom d’ukyo-e. Comment lui résister ? Allez deux plats, juste pour le plaisir de prolonger cette parenthèse. Non trois !
Pêche du lac Léman par Vincent Coly : la féra est présentée de deux façons : croustillante (grillée sur la peau) et fumée avec un condiment citron confit et « caviar » de féra. Un accord limpide avec la merveilleuse Roussette de Savoie Marestel 204 de Dupasquier à Jongieux. Un vin simplement émouvant dont le ramage vaut bien plus que le plumage.
Pâte friable, asperges vertes, fleurs du jardin : pour le côté bucolique et appliqué du plat
Joue de veau "à la cuillère", petits pois, girolles : un plat très abouti, du grand classicisme revisité et un nouvel accord frappé au coin de l’évidence avec une rareté, le tonique et fuselé Vin de pays des Allobroges 2011 de Jean-Paul Finas, assemblage de deux rares cépages savoyards, la douce noire (qui a connu son heure de gloire puis son bannissement) et le persan, un cépage qui amorce son retour en Maurienne, après une longue éclipse et dont, à en juger par les commentaires enthousiastes du docteur Paul Ramain dans les années trente, le potentiel qualitatif est grand.
Jean-Baptiste Klein, le sobre et efficace sommelier du Clos des Sens, m’a présenté ce vin à l’aveugle. J’ai aimé son naturel d’expression, son caractère fruité, juteux, légèrement épicé et sa tonicité allègre, un vrai vin de montagne sapide et digeste qui a enchaîné avec brio sur un plateau de fromages de haute tenue (Beaufort de 24 mois, Bleu de Termignon de Catherine Richard, Grataron d’Arêches, Persillé des Voirons, notamment).
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