2) Suivant les méandres du Rhin, plus au sud, le Churer Rheintal : communes d’Igis, Zizers, Trimmis et Coire. Cette zone – plus petite – est potentiellement aussi qualitative que la précédente, mais demeure un peu dans l’ombre médiatique.
Les vignes de Blaubürgunder grisonnes se situent donc dans la vallée du Rhin, au pied de montagnes magnifiques. Les sols sont principalement calcaires et schisteux, complétés de composantes argileuses ou sableuses par endroits. Les altitudes de culture sont comprises entre 500 et 620 m, avec des expositions sud/sud-ouest qui favorisent les maturités du midi et de l’après midi.
Mais le plus important à retenir est que le climat y est tempéré, avec un régime de foehn automnal unique, qui agit sur la maturation des raisins directement, notamment en fin de cycle. Les fortes amplitudes thermiques jour/nuit favorisent un murissement lent et l'expression poussée des arômes. Ce vent chaud qui souffle dans la vallée empêche enfin la formation de gros orages : la zone ne connaît que très rarement la grêle ou le brouillard.
Village de Fläsch
1. Fläscher Pinot Noir « Uris » 2006 DAVAZ : présente un fruit confit et chaud au nez, largement dominé par un boisé inadéquat, très toasté/fumé. La bouche est par trop sur l'alcool, déséquilibrée. Cristallise malheureusement deux défauts récurrents de certains vins de la région. 85/100.
2. Fläscher Pinot Noir « Réserve » 2006 CHRISTIAN HERMANN : assez retenu dans les arômes, mais on apprécie la qualité de l'intégration de l'élevage car le nez ne « jure » pas. Bouche séveuse, concentrée de bout en bout, dotée d'une belle vinosité. Le fruit est assez pur et net. C'est sérieux. 90/100.
3. Fläscher Pinot Noir « Barrique » 2006 ADANK : pureté aromatique avec de jolies notes de fruits rouges rehaussées d'une pointe de réglisse. On est surpris dès l'attaque par l'intensité fruitée et la qualité du velouté de texture, le tanin est fin, satiné. Un vin très bien maîtrisé, précis, classique dans l'expression aromatique, mais moderne dans la forme. 90/100.
4. Fläscher Pinot Noir « Sélection » 2006 BOVEL : expression d'un fruit mûr et concentré, rehaussé d'un boisé légèrement chocolaté. Beaucoup d'harmonie tannique dès la mise en bouche, le vin déroule, s'appuyant sur un milieu de bouche dense et encore compact. Il finit légèrement serré, sur une petite amertume de bois. Avec un boisé un peu plus fin, il serait superbe. 90/100.
6. Pinot Noir 2006 LEVANTI : vraisemblablement un usage du froid inadéquat lors de la vinification de ce vin très redondant sur le cassis et le bonbon à la violette. Bouche fluide, trop. Pas très « grisonnant » ! 85/100.
7. Maienfelder Blaubürgunder « B » 2006 M. STÄGER : expression d'un fruit relativement pur et sobre, dans l'arôme comme dans la saveur. On a privilégié ici le croquant et la finesse, la longueur n'est pas phénoménale mais l'ensemble brille par son côté digeste et facile. Un bon vin glissant. 88/100.
8. Blaubürgunder « Barrique » 2006 SCHOSS SALENEGG : beaucoup de défauts, boisé mal intégré, manque de propreté et de définition aromatique, bouche dissociée finissant sur des tanins décharnés. Les deux bouteilles ouvertes s'exprimaient comme cela. Un mauvais coup du fantôme du château ? 80/100.
Village de Jenins
9. Jeninser Pinot Noir « Barrique » 2006 ANNATINA PELIZZATI : un vin malheureusement grillé par le fœhn. Fruité confit, chaleureux, sucrosité de la bouche avec des flaveurs de Griottines, finit un peu flou et métallique. On devine que des efforts de culture ont été faits car l'ensemble n'est pas maigre, mais l’équilibre n'est pas au rendez vous. 85/100.
10. Eichholz 2006 WEINGUT EICHHOLZ : une première bouteille était bouchonnée, la seconde présentait autant de qualités que de défauts. Notes de fleurs, mais aussi de vieux bois. Une certaine sève en bouche, mais là encore la finale manque de netteté. Il faudrait pouvoir regoûter.
11. Pinot Noir « Monolith » 2006 WEINGUT ZUR SONNE : manifestement, le vigneron a ici envie d'impressionner : senteurs de fruits noirs (la première fois de la soirée), attaque confite, intense, avec une recherche de gras, las le milieu de bouche suit moins, et la finale encore moins, manquant de finesse et se concluant assez lourdaude. Dommage car la vieille vigne appelle plus de respect, de nuances, et de sobriété de la part du vinificateur. 87/100
Village de Malans
12. Malanser Pinot Noir « Barrique » 2006 GEORG FROMM : le seul tort de ce vin est d'avoir été dégusté avant le précédent. Beau nez de cerise fraiche, pinotant, intensité fruitée dès l'attaque, le vin est juteux, très harmonieux dans l'expression de bouche, offrant beaucoup de suavité et de naturel. Il finit juste un tout petit peu chaleureux, mais l'ensemble est quand même très charmeur. 90/100
13. Malanser Pinot Noir 2006 STUDACH : boisé très classe au nez, orientant le fruité de cerise du pinot vers des arômes nobles de poivron rouge mûr et de pivoine. Grande sève en bouche, avec un tanin gras et satiné lui donnant beaucoup d'allant et de personnalité. On comprend ici comment un élevage bien réalisé peut porter un vin sans l'aromatiser bêtement. Ensemble aussi harmonieux que dense. Incontestablement du grand vin des Grisons, et du grand vin tout court. La Bourgogne peut trembler ! 92-94/100
14. Malanser Blaubürgunder « Reserva » 2006 WEGELIN : sur la groseille et son côté acidulé (raisins vendangés croquants ?), maturité fraiche du fruit en bouche (on est très loin d'un fruit alcooleux), le grain est légèrement resserré à ce stade, et un petit peu rustique aussi, mais l'expression est franche et intègre. 88/100
15. Pinot Noir « Passion » 2006 DONATSCH : jolis arômes de grenadine et de fleurs. Beaucoup de finesse dans l'expression, de suavité, de naturel, le bois s'intègre très bien, le déroulé de tanins est harmonieux. Un supplément de vinosité le ferait monter d'une catégorie, mais sans doute que le vinificateur a fait en fonction de ses raisins, tant mieux ! 88/100
On le voit bien, pour le moment on ne peut clairement nuancer (en vins jeunes) des micro-différences par villages, tant les styles des vignerons l’emportent encore sur de présupposées typicités de terroirs.
Si l’on devait dégager un profil général du bon Blaubürgunder grison, on pourrait juste tracer les contours d’un pinot assez mûr, aux arômes plutôt axés sur les fruits rouges, et bâti sur un tanin plutôt fin, ne possédant pas nécessairement une grosse assise tannique, ce qui est cohérent avec la nature géologique de ces terroirs. Comparé à la Bourgogne, il y a toujours un brin de « chaleur » supplémentaire qui souligne l’équilibre de ces vins, sans doute la marque du foehn.
On peut rappeler qu’à l’instar de nombreuses autres régions, longtemps les vignerons locaux ont produit des raisins pour les caves coopératives locales. Les rétributions se faisaient alors en fonction de la richesse en sucres (oechslés potentiels) des fruits récoltés. Les viticulteurs ont donc logiquement pris l’habitude de vendanger tardivement (parfois fin octobre/début novembre) des pinots très mûrs. Corrélation historique ou pas, nous avons goûté ce soir là quelques cuvées déséquilibrées avec des maturités apparemment trop poussées.
Il faut également noter que l'usage de la barrique s'est largement répandu dans les années 90, bien que les vignerons locaux se défendent d’avoir voulu copier la Bourgogne « mère ». Certaines cuvées dites haut de gamme sont – entre autres – reconnaissables par des boisés/fumés prégnants, plus ou moins habilement intégrés ; mais d’autres sont réjouissantes de pureté et de fruit. On choisira en fonction de son goût personnel.
Enfin, il est heureux de constater que la première génération de grands vignerons grisons – DONATSCH, FROMM, GANTENBEIN, MARÜGG (BOVEL), OBRECHT, WEGELIN – est rejointe par d’autres jeunes pousses plus que prometteuses, THOMAS STUDACH en tête. Avec un total d’environ 75 producteurs mettant en bouteilles sous leur nom, les Grisons font preuve aujourd’hui d’un vrai dynamisme vitivinicole, qui devrait leur valoir de la part du public œnophile un réel intérêt, en tout cas ils le méritent.
28 Comments
Bel article, Nicolas !
Un petit avis circonstancié :
Suisse – Martha et Daniel Gantenbein – Pinot Noir 2002 : 16/9/05 (cr par Pascal Perez)
JP14 – PP14,5 – LG13,5
– Le domaine se situe non loin de la frontière avec le Lichtenstein.
– Nez proposant de la fraise, de la cerise (et son noyau), des épices (girofle, poivre), mais manquant d’éclat.
– Douceur de caramel au lait et glissant signent sa bouche. Elle est toutefois trop marquée par un élevage vanillé superficiel. De la réglisse et une finale chaleureuse aussi. Une déception eu égard au niveau annoncé pour les vins de ce domaine culte.
Le Beaune Teurons 2002 du domaine Rossignol-Trapet goûté hier soir (16/20) a une sacrée marge.
Bravo pour ce bel article d’une région extraordinaire en Suisse.
Dire que les Gantenbein exportent un bon 40 % de leur production !
Du jamais vu en Suisse.
Je me réjouis de faire votre connaissance à mon prochain passage au CAVE.
Philippe Margot
Les vins de Gantenbein, arrivés en France via Swaffou, sont dispendieux !
Le 2002 est looké, avec son étiquette bleue.
Laurentg : ne pas oublier que Gantenbein soufre ses vins à l’aide d’une pelle (Poussier). Chassez le naturel…
Jolie dégustation fort intéressante et instructive Nicolas. Danke kleine Nicolas (ce sera la deuxième et dernière fois jeune homme). Jacques avait déjà commenté une bonne partie de ces vins ces derniers mois si je ne m’abuse. Voila un eclairage nouveau. Et le retour des participants ?
Par contre dans le verre c’est pas du pinot noir. Completer ?
Je remarque aussi que le centrage des photos sur le dernier thème de la plateforme Mabulle fonctionne enfin. A essayer.
laurent
PS : j’ai participé à la dégustation des Beaujolais à Vufflens le Chateau aujourd’hui. Deux cuvées ressortaient clairement du lot pour moi :
Morgon 2007 de chez Lapierre (sans soufre Laurent) et un Chénas Quartz 2007 de chez Piron-Lameloise. Mon vin préféré. Superbe minéralité, finesse, équilibre, très bon.
Et on n’a pas encore pu déguster le pinot noir du Dr Folamour ! De la bombe, je ne vous dis que ça !
François,
c’est qui ce Dr Folamour ???
vous avez mon adresse e-mail si jamais cela ne doit pas transpirer…
laurent
Laurent,
J’ai sifflé comme du petit lait le Morgon 2006 l’année dernière …
Netteté irréprochable, typicité, buvabilité (16/20, sans coup férir). 🙂
Quelques tasteurs de pinots noirs néo-zélandais ? D’aucuns m’ont annoncé la présence de beaux sujets dans ce pays.
Alfredo,
Bien aimé : Te Kairanga Pinot noir réserve 1994 (15/20) : … une belle interprétation du cépage à l’autre bout du monde.
Décu par ceci : Australie – Tasmanie – Stoney Vineyard – Domaine A – Pinot Noir 1999.
Très bien Nicolas et quelle sobriété de style…
Non je ne t’enverrai pas une bordée de vins confidentiels, ou introuvables pour le commun des mortels, dégustés hier soir.
Laurent,
Goûté des (décevants) Chénas Quartz 2003 et 2005 de Piron et Lafont : c’est le même domaine ?
Laurent : Chenas Quartz 07, domaine Piron-Lameloise.
Merci Nicolas pour ce parcours découverte.
On imagine bien le style "grisonnant" à ta lecture.
Mais je ne comprends pas les notes de 80/100 à des vins commentés durement…??
Bravo pour cet article ! Je partage les mêmes sensations sur les pinot des Grisons, souvent trop boisés et chauds à mon goût. Cela reste qu’un avis parmi d’autres…………….
Merci à tous.
Monsieur Margot, tout le plaisir sera pour moi !
Laurent (sans G), le "jeune homme" vous informe que les participants à la dégustation ont dans leur ensemble plébiscité surtout les vins de CHRISTIAN HERMANN et THOMAS STUDACH, donc des vignerons de la "jeune" génération. Dans le verre c’est un chablis dégusté au CAVE. Pas aimé les 2007 de Marcel Lapierre, notes médicinales qui n’avaient rien de beaujolaises. Et corps « moyen ». Par contre JM Burgaud a fait un magnifique Côte du Py James 2007, je l’ai goûté hier soir avec lui : vin d’un équilibre et raffinement exemplaire. La Côte du Py de Claude Desvignes et son frère dans le même millésime est prodigieuse d’expressivité et maturité. Et le Vieilles vignes de Daniel Bouland stupéfiera dans 5 ans pas son caractère et sa vinosité. Daniel est un maître vigneron, et un maître vinificateur.
Laurent(avec G), Quartz 2003 a basculé, pas le 2005 encore jeune. Le domaine Piron Laffont est devenu le domaine Piron Lameloise. Oui, le grand chef de Châââgny (comme on dit là bas).
Beng, pour la note, l’écart avec les autres vins parle assez je pense, le commentaire encore plus. Je ne suis pas pour "tailler" plus que de raison. Je n’aime pas me placer "au dessus" des vins que je déguste, et m’efforce juste de donner un avis argumenté sur ce que j’ai eu dans mon verre à l’instant T.
Christophe, il y a aussi des bons vins, non ?!
Nicolas,
Souvenir de notre petite dissenssion sur ce 2003 … 🙂
Merci pour l’info.
Nicolas,
Ce mercredi, rien vu de tout cela dans le Morgon de Lapierre. Il faudra le revoir dans un mois à Arvinis.
Il tranchait clairement par son joli fruité et sa vinosité avec d’autres vins qui sentaient parfois l’écurie.
A mon goût, seul le Quartz 07 possédait plus une expression plus "noble".
laurent
J’aime bien les vins de Dominique jeunes, mais force est de constater qu’ils ne vieillissent pas toujours idéalement, en tout cas comparé à certains de ses collègues. Je veux croire au potentiel de ses 2005, et les suivrai attentivement. Ses 2007 dans la jeunesse étaient assez bien dotés aussi, même si maturités plus "fraiches". Sa femme vinifie désormais au domaine, j’attends de gouter ça !
J’encourage chacun à se rendre en beaujolais pour sillonner la région et visiter ses meilleurs vignerons, c’est tellement bon et beau…
Cette région des monts du Beaujolais est en effet très belle …
Il existe un autre Piron : Morgon Domaine de la Chanaise (Dominique Piron) "Côte de Py".
Les 2007 de Chermette me semble frais en effet, avec un léger déifict en matière.
Le déficit en matière des vins de Chermette n’est, à mon sens, ni léger ni particulier au millésime 2007.
J’ai beaucoup de mal a comprendre l’engouement pour ces vins de peu d’âme au regard de ce qui se trouve ailleurs dans le coin.
Laurent, c’est le même Piron, et le même domaine.
Il est au hameau de Morgon, à l’entrée du village, sur la droite.
Paul,
Vous rejoignez en cela l’avis de Nicolas et vous devez connaître ces vins bien mieux que moi …
Souvenir d’un remarquable 2 roches 2005 bu au juvéniles.
Quels sont vos domaines de prédilection ? (nous aurons peut-être des recoupements).
Je me contenterai donc de la liste exhaustive généreusement transmise par Nicolas il y a quelque temps déjà …
Laurent, en retard certes …
– Burgaud (immenses 2007) et Desvignes à Morgon
– Thivin et Viornery (un tout grand) à Brouilly
– Xavier Benier pour des Beaujolais Villages superbes à St Julien
– Diochon en Moulin a Vent
– La Roilette et Chignard à Fleurie
Nous avons, Nicolas et moi, qq goûts et un respect communs pour les travailleurs (moins pour les marketeurs) du secteur.
Merci, Paul
Bien aimé : Fleurie : Domaine Chignard « Les Moriers » 2005 (gouleyant à souhait, 14,5/20)
Dans notre série de 2003 :
* petit Roilette cuvée tardive 2003(Fleurie)
* petit Côte de Brouilly – Château Thivin – Cuvée de la Chapelle 2003
* intéressants Calot 2003 cuvée Jeanne (Morgon), Spécial VV 2003 de Chignard (Fleurie), Michel Tête Clos du Fief (St-Amour et Julinéas prestige)
* très bon Brouilly G. Descombes 2003 (16/20)
Niveau moyen avec le Clos de la Roilette, souvent goûté sur pas mal de millésimes le dernier en date : Roilette 1999, pas mal.
Pas aimé : Côte de Brouilly Château Thivin – cuvée de la chapelle 1999.
De belles expériences chez Foillard, Métras, Lapalu, Thévenet.
Je ne sais pas dans quelle catégorie vous les rangez …
Bravo pour cette excellente synthèse des Pinots Noirs des Grisons. Je travaille pour la Tonnellerie Seguin Moreau depuis 10 ans et je viens très régulièrement en Suisse, pour assurer le suivi oenologique de la plupart des vignerons de renom.
Ainsi, je me permets de vous signaler que Gantenbein utilise en quasi exclusivité les fûts Bourgogne de la Tonnellerie Taransaud depuis quelques années, même s’il connaît bien Seguin Moreau et François Frères.
Bonne continuation, votre voie est tracée … n’hésitez pas à fouiller le monde viticole comme vous le faites, tout le monde s’enrichit.
Stéphane HEBRARD
Ingénieur OEnologue
Stéphane,
merci pour ces précisions. Elles m’éclairent sur des interrogations que j’avais eues lors de la dégustation.
D’ailleurs je m’apperçois qu’en disant "tonnelier bourguignon" pour Seguin, j’ai commis un abus de langage, car la production se fait à Cognac non ? à moins que l’on produise aussi sur Chagny ?
Au plaisir de vous rencontrer en Suisse autour d’un verre et/ou dans une cave.
Voila je m apelle albane je suis en apprentissage en ten que spécialiste en restauration et je devai preparer un dossier sur les vin des grisons jevoulai juste vous dire merci car j en ai appris bocoup en lisent cette article et qui ba bien aidée a completer mon dossier merci et a biento bonne journée