Un air de Venise dans le Revermont.

On l’aime bien Jeunet. Il y a des cuisiniers qui avec l’âge surjouent, plastronnent. D’autres qui élaguent jusqu’à l’épure. Jeunet n’a pas changé. Avant le service, il vient saluer en salle, pour montrer qu’il est là, aux fourneaux. Il revient à la fin, une braise d’inquiétude plantée dans le regard. Entre les deux, il poursuit sa route, funambule, dans cette alchimie qui définit un style, une manière d’élargir la perspective. Le terroir demeure présent à travers un certain nombre d’ingrédients (l’omniprésent Vin jaune, la farine de maïs grillé appelée la gaude, le Jésus de Morteau), mais la vision finale, servie par une technique irréprochable, est vraiment contemporaine, quoiqu’un peu maniérée parfois. Délicieusement en rupture en tout cas par rapport au style au service (un peu erratique ce soir-là, avec une troupe  de serveurs tourbillonnant au milieu de la salle tel un ballet soudain déréglé).  

Avec un superbe Grands Teppes vieilles vignes 2006 de J.F. Ganevat,  voici le menu Symphonie des Parfums. Avec quelques grandes réussites telle la première entrée – tourteau, céréales et gelée de vin Jaune –  qui tisse de subtils contrepoints et associe les textures. La Queue de Homard breton au Combawa est également épatante, même si une loi secrète semble vouloir que de Paris à Hölö en passant par Arbois, personne n’échappera désormais au combawa, au yuzu et massala. Comme si nous pouvions respirer hors l'air du temps. Superbe Joue de veau cuite à la sauge, fondante, confite, médulleuse, portée par un jus parfumé. De quoi donner des ailes presque au Ploussard 2009 de Hugues Beguet préconisé par le sommelier.