Dans les années 70, Jean Orliac, tout juste diplômé de l’école d’Agronomie de Montpellier et passionné d’escalade, de haute montagne et de paysages sauvages, fait la connaissance des falaises de l’Hortus et du Pic Saint Loup. Il y découvre de vieilles parcelles abandonnées et des terres en friche. Mais le potentiel extraordinaire de ces cônes d’éboulis lui paraît évident…
Marie-Thérèse & Jean Orliac, les pionniers
Au début, seuls 4 hectares sont défrichés, puis plantés. Dans un souci de se familiariser avec ce terroir, Jean ne vinifie son premier vin que quinze ans après, pour le millésime 1990. En même temps que le vignoble, la maison et les chais sont construits. Puis ses quatre enfants reviendront sur la propriété, apportant chacun leur personnalité et expériences. C’est François, le premier des trois garçons qui revient à la fin des années 90, pour s’occuper du vignoble. Il est suivi par Marie, la fille de la fratrie, juriste de formation, qui s’attèle à la gestion juridique et à la comptabilité. Puis, Yves, un an plus tard, qui s’occupe du commercial. Et enfin Martin, après une expérience au Japon, revient lui aussi à la propriété et devient responsable des vinifications. C’est justement lui qui est venu, jeudi dernier, nous présenter la verticale du grand vin rouge historique de la famille, la bien nommée Grande Cuvée, complétée de trois autres vins importants pour le domaine.
La Grande Cuvée est produite à partir de parcelles de milieu de côte, sur des sols bruns formés sur des éboulis d’éclats calcaires du Crétacé, avec des pentes allant de 10 à 30% et des altitudes variant de 150 à 300 mètres. Elle assemble deux cépages (mourvèdre et syrah, cette dernière en majorité) et deux terroirs (un coteau plein sud pour le mourvèdre, un autre plein nord pour la syrah). Les rendements varient de 25 à 35 hl/ha pour des parcelles dont les densités varient de 4’000 à 7’150 pieds hectares. En cave, la vendange est éraflée et foulée avant une période de cuvaison qui varie de 25 à 30 jours. Un élevage de 6 mois est réalisé en cuve avant un pré-assemblage, qui sera ensuite affiné 12 mois en fûts de 225 et 400 litres, neufs, d’un et de deux vins.
Le Pic Saint-Loup – crédit photo
Les vins de la verticale ont été dégustés par séries, dans l’ordre qui suit :
IGP Val de Montferrand, Grande Cuvée blanc 2016 : Les blancs (1/3 du domaine) se font sur les fonds de vallée. Sélection des plus belles parcelles pour cette cuvée, assemblage 50% chardonnay, 20% viognier, 20% petit manseng et 10% sauvignon, à l’issue de l’élevage. Couleur avancée sans être fatiguée, aromatique de fût fondue, les cépages aromatiques dominent, touche bourguignonne. Bouche fraîche et vive, de bonne tenue, prête à boire, plus jeune que le nez et la robe.
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Pic Saint-Loup, Grande Cuvée 2001 : Robe légèrement tuilée, nez fumé, un peu bouillon, belle évolution sur le jus de viande, pot-pourri. Bouche de demi corps, vive et fraîche, tenue par la climatologie de l’année (concentration par le vent du nord). Vin posé, serein, à maturité.
Pic Saint-Loup, Grande Cuvée 2005 : Beau nez fumé, tabac, épices chaudes, jolie évolution. Attaque structurée, vin ferme, grain un peu à nu, bouche nerveuse. Mais les tanins ne sont pas secs, le vin a de l’allonge.
Pic Saint-Loup, Grande Cuvée 2007 : Le nez le plus racé, le plus jeune évidemment, notes d’agrumes, orange sanguine, pour une bouche charnue et veloutée, pulpeuse, pleine de jus, gourmande, suave, de très belle suite.
Martin Orliac, tête pensante de la cave et des vins de l’Hortus
Pic Saint-Loup, Grande Cuvée 2009 : Superbe nez spectaculaire, ouvert, flamboyant, sur le pain d’épices. Bouche à la fois opulente et fraîche, gourmande, aussi verticale qu’horizontale, kaléidoscopique, hédoniste, très épicurienne. Martin dit de lui qu’il n’a fait que prendre de l’ampleur à la garde.
Pic Saint-Loup, Grande Cuvée 2011 : Nez sanguin, solaire, parfait dans l’évolution et très marqué par la syrah du Pic à maturité. L’attaque est très soyeuse, avec un gain de qualité tannique notable, beaucoup de suavité, de rondeur, un peu plus d’alcool aussi, en finale.
Pic Saint-Loup, Grande Cuvée 2012 : Nez jeune et frais, citronné, pour une bouche moins boisée mais assez filiforme, fraîche : on a moins de puissance mais plus de septentrionnalité, l‘effet magnum joue également.
Le vin de toujours…
Pic Saint-Loup, Grande Cuvée 2013 : Le millésime le plus tardif de l’histoire du domaine. Très ouvert et aromatique, bouqueté, la syrah est omniprésente, on est vraiment dans les agrumes, l’encens. Bouche à l’avenant, fraîche et juteuse, vive, très « Rhône nord ». C’est long et très précis, très belle bouteille, qui en a encore sous le pied.
Pic Saint-Loup, Grande Cuvée 2014 : Boisé légèrement plus en avant, vin épicé et pimenté, un peu de pyrazine également. Bouche de demi-corps, souple et glissante, facile à boire, prête, bonne allonge, le millésime donne ce qu’il a.
Pic Saint-Loup, Grande Cuvée 2015 : Nez discret mais profond, réglissé, qui s’ouvre en éventail, lentement, très racé. Attaque suave et charnue, charnelle même, pour ce vin de grande finesse, élégant, qui brille par son équilibre. Visiblement un grand millésime à l’Hortus. Finale longue et juteuse. Grand vin, coup de cœur !
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Pic Saint-Loup, Grande Cuvée 2016 : Marqué « coccinelle », du végétal assez marquant qui rappelle 2004. On retrouve cette aromatique et ce côté étriqué en bouche, comme si la vendange était fragile, vin idoine. La seconde bouteille était paraît-il beaucoup mieux…
Pic Saint-Loup, Grande Cuvée 2017 : Très marqué par les agrumes, évolution abricotée, orange sanguine. Sucrosité, richesse et rondeur de l’attaque, avec pas mal de bois neuf sur une matière mûre, riche et généreuse, avec une légère sensation d’alcool. C’est un gros bébé encore jeune et joufflu, qui évoque son aîné de 10 ans – 2007 – en plus jeune.
Pic Saint-Loup, Grande Cuvée 2018 : Vin retenu et discret mais juste, peu aromatique comparé aux deux autres. Boisé en sourdine, le vin est frais en bouche, sans creux, ascendant, bien garni, il se prolonge harmonieusement – c’est une très belle bouteille dans le contexte de ce millésime pas facile du tout.
Le dernier né du domaine : rare, mais grand.
Pic Saint-Loup, Grande Cuvée 2019 : On retrouve le nez sexy des années chaudes à l’Hortus, avec un bel élevage fondu. Attaque vive et fraîche, sensation de salinité calcaire en bouche, pour un très beau vin vif, un des meilleurs de la verticale.
Pic Saint-Loup, Cuvée L’Ombrée, Dit de l’Hortus 2019 : Cette cuvée de pure syrah provient d’une seule parcelle, l’Ombrée, un des plus beaux terroirs de la propriété. Elle est exposée plein nord, en milieu de pente, sous le sommet du Pic Saint Loup. Le sol d’éboulis calcaires est tout à la fois drainant et profond. La vigne, sur un climat frais et humide, ne souffre pas de la sécheresse estivale. Premier nez mentholé, eucalyptus, frais, stricte même, découpé, pour un vin inversement suave et aimable, de grande finesse dans les tanins, profond, juteux, à la bouche souveraine.
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Pic Saint-Loup, Grande Cuvée 2020 : Classicisme de la maturité, grande précision aromatique. Bouche à l’avenant, tanins élégants, beaucoup de suavité et de finesse, de fraîcheur et de gourmandise : la quadrature du cercle, ni plus ni moins. C’est déjà très bon. Et pour longtemps…
Terrasses du Larzac, Clos du Prieur, Orliac (Hortus) 2020 : C’était le vin de Marie Orliac, tragiquement disparue lors des vendanges 2022. Il est produit à Saint-Jean-de-Buèges, assemblant grenache à 30% et syrah à 70%. Fermentation en cuve béton, cuvaison de 30 jours, pigeages et remontages journaliers, élevage 18 mois. Aromatique garrigue, pour un vin fougueux, rocailleux, de grande personnalité, opulent mais frais dans ses saveurs, très bien construit, juste et profond, de grand style. Difficile de ne pas ressentir l’émotion…
Ainsi que nous le disions en préambule du cours, le soir-même, l’Hortus c’est une famille – et un lieu. Et cette verticale en a été le parfait reflet, les vins exprimant à la fois la force de leur origine et le savoir-faire de leurs interprètes. On notera que le niveau moyen de la verticale est relativement élevé, avec une forte homogénéité, qui indique un domaine « en place » depuis longtemps, la nouvelle génération (Martin est arrivé en 2009) ayant permis de progresser sur les détails qui font la différence. Nous n’oublions pas non plus que les Orliac ont vécu des heures difficiles l’an dernier, avec la disparition des deux femmes de la famille : Marie-Thérèse, la maman, et Marie, la fille et la soeur. Mais les hommes de la famille, pudiques, travailleurs, humbles, n’ont pas baissé la garde et continuent d’oeuvrer au quotidien pour pérenniser ce qui a été entrepris il y a près d’un demi-siècle. Jean, François, Yves et Martin, vous avez toute notre admiration et nos encouragements pour perpétuer cette oeuvre commune et continuer de faire briller le nom de Orliac au sommet du Pic !
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